De Dakar à Paris en courant.
On ne s'étonnera pas que l'amoureuse d'Un ragazzo di Calabria (Comencini 1987), que l'enivrée de voyages, la passionnée de livres, ait aimé celui de Pierre Cherruau. Il contient tout cela : voyage, course, écriture. Et, par la médiation de leur étonnant mariage, la rencontre de l'Autre.
Comme Mimi sur les chemins de Calabre, Pierre Cherruau court sur les routes d'Afrique, des dizaines de kilomètres chaque jour. La course, un héritage de son père dont la présence en filigrane rythme le récit.
Portrait vu du sol d'un pays où se déchaînent pollution et corruption, découverte du quotidien sénégalais fait de misère, de tolérance et d'hospitalité. Regard lucide sur sa terre natale et sans complaisance sur celle de ses ancêtres, la France, si peu intéressée par les nouvelles d'un pays d'Afrique qui pourtant la scrute et passionnément la commente.
Puis ce seront Barcelone et la région bordelaise, les dernières pages du livre étonnamment peu nombreuses après les longs développements qui ont précédé. Peu nombreuses... et inquiètes devant la récurrence de la xénophobie qui étrangle la France.
Retenons une étape. À l'approche de Paris, le Sénégalais qui accueille le coureur dans son foyer pour immigrés préfère dormir au sol pour lui laisser son lit dans la toute petite chambre qu'il partage avec un compatriote. On passera la soirée à discuter nombreux entre ces murs impersonnels et si rapprochés, pourtant sans pouvoir sur la Téranga, l'hospitalité sacrée.
Celle où les éboueurs se comportent comme des rois.
Marie Volta, Octobre 2016
Pierre Cherruau, De Dakar à Paris, 2013, chez Calmann-Lévy
Photo en-tête © Oriana Eliçabe / Thiaroye (Sénégal), d'où partent les pateras à destination de l'Europe
Article 3 © La Petite Marguerite